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Estimédia au Chili !

L’équipe d’Estimédia

Voici un article écrit par Elena Rusca qui présente Estimédia et Ricochets qui est paru dans le site d’informations « EL CLARIN de chile » le 15 juin 2021. Elena Rusca est journaliste. Elle a participé au lancement du premier numéro de Ricochets lors de son stage à Eben-Hézer Lausanne qu’elle a effectué entre février et juillet 2021. La rédaction la remercie pour ce très bel article.

Texte original en espagnol traduit en français par la rédaction de Ricochets. Voici le lien pour lire la version originale du texte.

Ricochets : on a tous le droit de parler !

Le 2 juillet sortira « Ricochets », le nouveau journal en ligne produit par des personnes en situation de handicap de l’atelier « Estimédia », l’agence de presse de l’institution « Eben-Hézer Lausanne », (Suisse). À la différence de nombreux journaux institutionnels, « Ricochets » vise à obtenir un espace au sein de la société et de la presse internationale, un projet plus singulier que rare.

« Quand j’ai voulu créer l’atelier « Estimédia », mon idée était d’organiser un atelier qui centralise toutes les activités autour des projets de communication qui existaient déjà au sein de l’institution Eben-Hézer Lausanne, une véritable agence de presse pour notre institution », affirme Bruno Wägli, le directeur socio-éducatif d’Eben-Hézer Lausanne. « L’objectif ? Donner aux personnes ayant un handicap mental la possibilité de s’exprimer sur des sujets qui les intéressent ».

Le projet a été lancé très récemment en 2019. Initialement, les bénéficiaires intéressés par le projet se rencontraient dans le bureau de Omar Odermatt, un journaliste suisse.

Dans ce lieu qui se trouve à l’extérieur de l’institution, les futurs journalistes et rédacteurs de Ricochets ont créé la structure de leur futur atelier Estimédia, qui a aujourd’hui réussi à desservir les espaces internes de l’institution Eben-Hézer Lausanne, et qui espère continuer à grandir.

« Quand tout a commencé, c’était moi, Caroline Goretta, Anne Tercier, Jules Brischoux, accompagnés par Omar Odermatt, le journaliste qui nous a aidés à concrétiser le projet », raconte François Desgalier, l’un des membres de l’atelier « Estimédia ». « Aujourd’hui, il semble incroyable de concrétiser « Ricochets », de le voir sur internet, avec notre contribution sur les questions sociales et internationales. De l’intérieur de l’institution, nous nous ouvrons enfin au monde extérieur. »

Actuellement, c’est Omar Odermatt qui anime l’atelier « Estimedia », en compagnie de Thomas Brasey, José Niangu Nginamau, Caroline Goretta, François Desgaliers, Jules Brischoux et Carlos Correvon.

Une des grandes particularités de cet atelier est sa structure « horizontale » : tout le monde a un droit égal à la parole et à la prise de décision.

Un outil pour s’intégrer dans une société qui peine parfois à intégrer les personnes en situation de handicap

Lorsque ses membres me parlent d’Estimédia et Ricochets, ils évoquent ces projets comme quelque chose de nécessaire : « Il est important de parler de ce qui se passe, de partager, de travailler ensemble, nous ne devons pas cesser de le faire », dit Carlos Correvon, « Grâce à Estimédia et Ricochets, nous pouvons vraiment briser les préjugés et montrer à l’extérieur de cette institution que nous existons aussi et que nous faisons partie de la société ».

Les membres d’Estimédia, rédacteurs et journalistes de Ricochets, s’accordent tous à dire que la création de cet atelier leur a donné un sentiment d’appartenance à la société actuelle, qui freine parfois l’intégration des personnes en situation de handicap.

La création d’un journal en ligne, qui ne se concentre pas seulement sur les événements de l’institution Eben-Hézer, mais aussi sur ce qui se passe à l’extérieur de l’institution et en dehors de la Suisse, augmente la valorisation du travail des membres d’Estimédia.

« Les handicapés de Julie Hofmann [1] ne font pas seulement du bricolage… mais aussi des articles ! » Caroline Goretta nous rappelle que par le passé, la stigmatisation des personnes issues de cette institution était forte et violente.

Ricochets et Estimédia entendent briser cette stigmatisation passée en proposant un journal en ligne non seulement innovant par son contenu international, mais qui se rapproche de plus en plus des journaux en ligne des autres agences de presse en incluant des contenus multimédias dans ses pages : « Aujourd’hui, nous avons un support multimédia, ce qui nous a permis d’acquérir plus de compétences. Nous sommes vraiment fiers de faire partie de ce projet unique en Suisse, tourné vers l’extérieur : notre tremplin vers le monde extérieur, un outil nécessaire pour que les gens hors de Suisse s’intéressent à nous et à notre journal, ce qui nous aidera à nous développer et à grandir », déclare Jules Brischoux.

Eben-Hézer, une « pierre de secours » qui coule dans le lac Léman

C’est en 1899 que Julie Hofmann fonde « Eben-Hézer ». Très croyante, elle rêvait d’exercer une profession qui lui permettrait d’unir et de soutenir les enfances malheureuses qu’elle voyait à l’époque dans les quartiers défavorisés de Lausanne.

Dans les couches sociales les plus défavorisées de la ville, les conditions de vie étaient extrêmement dures. Les enfants n’ont évidemment pas été épargnés. Il était d’usage de leur demander d’effectuer des travaux lourds, ce qui mettait en danger leur santé encore fragile.

L’intérêt de Julie Hofmann pour les enfants en difficultés l’a inévitablement amenée à découvrir une autre réalité de la société lausannoise. Préoccupée par la pauvreté et ne pouvant s’empêcher d’agir, elle n’hésite pas à aller à la rencontre de ces « blessés de la vie » dans les quartiers les plus défavorisés de l’époque : au Petit-Saint-Jean, à la rue du Pré ou encore à Cheneau-de-Bourg.

« Tous les jours, lorsque je le pouvais, dès que je finissais mes devoirs, je sortais dans la rue pour chercher Aline et ses amis. Il n’était pas difficile de trouver les enfants, parfois ils venaient me chercher à la sortie de l’école, ils m’entouraient dès qu’ils me voyaient et voulaient que je leur serre la main », raconte Julie Hofmann dans son journal.

Du rêve de Julie Hofmann est né la « Fondation Eben-Hézer », un lieu d’accueil et d’accompagnement des personnes handicapées. Trois lieux sont gérés par la Fondation : La Cité du Genévrier à Vevey, Home Salem à St-Légier et Eben-Hézer Lausanne au cœur du quartier de Chailly.

La fondation Eben-Hézer Lausanne

Eben-Hézer Lausanne : l’institution

Aujourd’hui, Eben-Hézer Lausanne est une institution centrée sur l’être humain. 757 personnes sont concernées. Parmi elles, 201 résidents vivent dans l’institution. 98 d’entre eux travaillent dans des ateliers à vocation socialisante (ATVS).

La mission d’Eben-Hézer est de tout mettre en œuvre pour favoriser le bien-être des personnes qu’elle accueille et soutient. Elle est chargée de permettre à chacun de prendre sa place. Au-delà de ses activités de soutien, elle promeut une vision positive des personnes handicapées dans la société en général.

L’État de Vaud (un canton Suisse) étant le principal contributeur de cet établissement (60% des finances directes plus 38% des prestations complémentaires gérées par les assurances sociales), la Fondation négocie sa mission avec l’État.

Des personnes souffrant de déficience intellectuelle, de troubles mentaux, d’autisme ou de troubles du comportement généralisés : telles sont les personnes accueillies à Eben-Hézer.

Les personnes atteintes dans leur corps, leur psychisme ou leurs liens relationnels, également limitées dans leurs possibilités par des facteurs sociaux ou environnementaux, circonstances qui peuvent se cumuler, peuvent bénéficier des services d’Eben-Hézer, soit comme internes, soit comme externes, soit encore reçues en ambulatoire. Ils sont appelés bénéficiaires. Ils sont considérés comme des personnes uniques en constante évolution. Eben-Hézer les reconnaît dans leur dignité, leur potentiel, ainsi que dans leurs besoins physiques, émotionnels, sociaux, matériels et spirituels.

L’accompagnement des personnes est centré sur leurs ressources propres, orienté vers leur bien-être et leur inclusion (accompagnement inclusif selon le Processus de Production du Handicap [2] (PPH)).

Sœur Julie Hofmann

Une institution qui cherche l’inclusion de ses bénéficiaires : de l’agence de presse au droit de vote

Estimédia et Ricochets ne sont pas les seuls projets inclusifs à Eben-Hézer Lausanne : un autre exemple d’inclusion à Eben-Hézer est la création du « Bla-Bla Vote ».

Lancé en 2016, le Bla-Bla Vote, fruit d’un partenariat entre la Maison de Quartier de Chailly et Eben-Hézer Lausanne, est un espace citoyen politiquement neutre dont l’objectif est de permettre aux habitants du quartier de Chailly (qu’ils bénéficient ou non du droit de vote) de se forger une opinion sur une question soumise au vote.

Le Bla-Bla Vote a été rendu possible par la Convention des Nations unies (ONU) relative aux droits fondamentaux des personnes handicapées, adoptée en 2006 et entrée en vigueur en 2008. A partir de ce moment, l’incapacité de discernement n’est plus un critère pour retirer le droit de vote aux citoyens.

Elena Rusca, Genève, 14.06.2021

[1] Fondatrice de l’institution Eben-Hézer.

[2] Le modèle de développement humain – processus de production du handicap (MDH-PPH) est un modèle conceptuel qui vise à documenter et à expliquer les causes et les conséquences des maladies, des blessures et des autres atteintes à l’intégrité ou au développement d’une personne.